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L’entente sur le Transfert canadien en matière de santé – Satisfaisante pour le Québec ?

par Dominique Lapointe

C’est le 10 mars dernier que le gouvernement du Québec annonça à l’instar des autres provinces canadiennes la signature d’une entente avec le gouvernement fédéral sur le financement des soins de santé[1]. En vertu de celle-ci, Québec recevra sa part du financement additionnel de 11 milliards de dollars promis sur 10 ans par Ottawa dans le dernier budget fédéral, soit environ 2,5 milliards de dollars, pour les soins à domicile et la santé mentale. Ces derniers fonds, sujets de litige lors des récentes négociations fédérales-provinciales sur le financement des soins de santé au pays, s’ajoutent à l’augmentation « traditionnelle » du Transfert canadien en matière de santé (TCS) calculé au prorata de la population et représentant environ 8,5 milliards de dollars pour la province en 2017-18. Mais est-ce suffisant afin d’assurer la pérennité du système de santé québécois à long terme ? 

En un mot : non. Ainsi va la conclusion de notre nouvelle étude qui estime à l’aide d’un modèle développé par l’Organisation de coopération et de développement économiques[2] les besoins futurs en matière de santé. Cette étude élabore une projection de coûts basée sur des facteurs macroéconomiques face auxquels les provinces et les territoires ont peu de contrôle, soit le vieillissement de la population, l’accroissement démographique, l’inflation et la croissance du revenu réel. La combinaison de ces projections de coûts aux dépenses de santé budgétées par le gouvernement du Québec, jumelées au TCS projeté, permet d’estimer l’évolution de la part du financement fédéral dans les dépenses de santé du Québec (graphique 1).

Graphique 1 – Part du financement fédéral des dépenses en santé du Canada et du Québec

Plus spécifiquement, à court terme, le gouvernement du Québec prévoit une croissance des dépenses en santé de 3,1%, un chiffre similaire à la moyenne d’augmentation des dépenses dans ce secteur depuis la récession de 2009 et bien inférieur à celui qui prévalait lors de la décennie précédente (6,3%) alors que le Québec enregistra plusieurs années de surplus budgétaire. Par conséquent, bien que la croissance du TCS est appelée à diminuer de presque de moitié à partir de cette année[3], celui-ci devrait occuper une part grandissante des coûts des soins de santé au Québec jusqu’en 2019. En effet, la croissance de ce dernier continuera de supplanter l’accroissement des dépenses effectives en santé du Québec.

Par la suite, jusqu’en 2026, principalement en raison d’une accélération du vieillissement de la population et d’un retour plus soutenu de l’inflation partout au pays, l’IFPD s’attend à ce que les besoins fondamentaux en santé augmentent en moyenne de 4% par année. C’est à ce moment que la nouvelle formule du TCS commencera à peser sur les finances publiques du Québec. En assumant que le gouvernement du Québec dépense en suivant les besoins fondamentaux en santé[4], la part du financement fédéral baissera progressivement, passant de 27,3% en 2019 à 25,5% en 2026.

Finalement, quelques faits intéressants sont à noter sur ce ratio. Selon les estimés de l’IFPD, la part du financement fédéral pour le Québec se maintiendra en haut de 25%, ce que réclamait le Conseil de la fédération, représentant les provinces et les territoires canadiens lors des négociations de décembre 2016. Par contre, en assumant une croissance des dépenses en santé plus « optimiste » de 5,2%, soit le montant des besoins estimé par le Conseil de la fédération, la part du financement fédéral en santé au Québec tombe à 21,5%, bien en deçà du niveau plancher réclamé par les provinces. De surcroît, peu importe le scénario, il est probable qu’au-delà de 2026, la part du financement fédéral en santé au Québec, mais aussi dans toutes les autres provinces et territoires, continue de diminuer et tombe en dessous de 25%.

En somme, à long terme, en vertu de l’entente sur le financement des soins de santé que le Québec a signée avec Ottawa, la province devra porter une part disproportionnée du fardeau du coût des soins de santé. Une situation mettant en péril à la fois la pérennité du système de santé de la province, mais aussi les finances publiques en général : la santé et les services sociaux occupent déjà de loin la plus grande part des dépenses du gouvernement provincial. L’IFPD en vient donc à la conclusion que le Québec, tout comme les autres provinces et territoires, aurait dû refuser la récente offre du gouvernement fédéral sur le financement en santé afin de continuer de réclamer une meilleure entente.

 

­­[1] À ce jour, le Manitoba ne s’est toujours pas entendu avec Ottawa au sujet du financement des soins de santé.

[3] En fait, la nouvelle formule du TCS prévoit une croissance liée à une moyenne mobile sur trois ans de la croissance du PIB ou 3%, selon ce qui est le plus élevé.

[4] Ce qu’il n’a systématiquement pas fait depuis le milieu des années 80. Pour plus de détails, voir l’étude de l’IFPD portant spécifiquement sur le Québec.